vendredi 12 juillet 2013

MOHO-NORD ET LA REDYNAMISATION DE LA SOUS- TRAITANCE INDUSTRIELLE AU CONGO


 Notre contribution pour une meilleure intelligence économique 


Patrice PASSY  
Conseil en Intelligence Economique et Compétitivité d’entreprise  
Ancien conseiller de Premier Ministre


Enfin la signature de la décision finale d’investissement du gisement pétrolier Moho-Nord
Le Ministre Congolais des hydrocarbures, André Raphaël LOUEMBA, le directeur général de Total E&P Congo, Babak BAGHERZADEH  et le directeur de Chevron Congo Overseas, Peter HARTSHON ont procédé le 22 mars à Brazzaville, à la signature de la décision finale d’investissement du gisement pétrolier Moho-Nord. Avec la signature de cette décision finale, Moho-Nord entre donc dans sa période de réalisation et de construction des installations permettant la mise en production de la phase 1 bis de Moho-Bilondo dès 2015, et de Moho-Nord dès 2016. Situé à 77 km des côtes congolaises aux larges de Pointe-Noire, Moho-Nord a une profondeur d’eau variant entre 650 et 1.100 mètres, avec une profondeur des forages se situant entre 2.500 et 4.000 mètres à partir des fonds marins. Il dispose de réserves récupérables de 325 millions de barils, d’un schéma de développement présentant douze puits producteurs et cinq puits injecteurs d’eau, d’une unité de production flottante, des conduites d’huile et de gaz vers Djeno et Nkossa.
Quatre ans après l’entrée en production de Moho-Bilondo, pionnier des grands fonds congolais, le lancement du projet Moho-Nord poursuit la conquête des eaux profondes vers les huiles plus difficile. Les deux développements menés simultanément sur le permis d’exploitation de Moho-Bilondo permettront de valoriser toutes les découvertes économiques non encore développées sur ce permis. Le coût de l’investissement du projet Moho-Nord s’élève à 6,6 milliards de dollars américains.

Moho-Nord est le plus grand projet de développement pétrolier du Congo depuis 1960:                    30% environ de la production pétrolière nationale
Nouveau centre de production d’une capacité de 100.000 barils par jour, Moho-Nord est le plus grand projet de développement pétrolier du Congo jusqu’à ce jour. Il contribuera à lui seul à 30% environ de la production pétrolière nationale. A l’horizon 2016, Moho-Nord et Moho phase 1 bis porteront à plus de 200.000 barils par jour la production de la société Total au Congo.
Selon Babak Bagherzadeh, ce projet constitue l'avenir de l'exploration pétrolière au Congo, parce qu’il comporte le volet «contenu local» important pour le développement des capacités industrielles du pays. En effet, "un programme de fabrication et de prestation, à réaliser au Congo a été imposé aux contractuels internationaux. Ces travaux devront permettre la plus grande implication des entreprises congolaises dans la réalisation du projet. Il est prévu, par exemple, que près de 12.000 tonnes d’éléments pour réaliser la plateforme pétrolière et le forage soient fabriquées localement à Pointe-Noire".

                                     MOHO-NORD ET L’EXISTANT DES PME CONGOLAIS

  • Une pénurie de personnel et des entrepreneurs ayant les compétences appropriées.
  • Une Insuffisance de l'infrastructure industrielle locale.
  • Une incapacité des entrepreneurs locaux à présenter des soumissions concurrentielles qui répondent aux exigences de qualité, de sécurité et autres normes dans le domaine pétrolier.
                    TOTAL PROPOSE A L’ETAT CONGOLAIS POUR LE PROJET MOHO-NORD :                                                          LE DÉVELOPPEMENT PARTAGE

Le programme « contenu local » de TOTAL au Congo-Brazzaville 

 De quoi s'agit-il ?

Le «Contenu local» de TOTAL, se réfère à l’ensemble des actions - recrutement local, formation, achats de biens et services locaux - qui sont conçus pour développer l'infrastructure industrielle  et les compétences des personnes au Congo-Brazzaville en rapport avec les projets de gaz et de pétrole. Le "contenu local" est généralement mesuré en pourcentage d'investissement,  d'heures travaillées, de matériel fabriqué ou de nombre d'emplois créés.

Objectifs du projet :

  • permettre la mise à sec des navires jusqu’à 5 000 tonnes. La structure actuelle ne reçoit que des navires de 600 tonnes au plus ;
  • augmenter la capacité de production en structure métalliques pour les futurs projets pétroliers off-shore (MOHO Nord en particulier) ;
  • intégrer une unité de traitement des déchets hydrocarbures des navires.
  • créer un atelier de montage de navires d’assistance à la sécurité en mer
Le « contenu local » est un boulevard d’opportunités pour les PME-PMI congolaises, car ce programme permet d’améliorer durablement les compétences et le renforcement des capacités industrielles du Congo-Brazzaville. Ceci à son tour va stimuler la croissance économique et renforcer la cohésion sociale. Cependant, ne perdons pas à l’esprit que ce programme de « contenu local » est conforme aux caractéristiques techniques du projet  MOHO-NORD et non de l'industrie locale congolaise. En effet, l’évaluation du contexte industriel congolais, la classification des compétences disponibles, la cartographie des attentes des entreprises congolaises, ne permet pas, à ce jour, d'identifier et de développer les ressources locales. Or, le temps est compté et les concurrences chinoise, française, sud-africaine, brésilienne, camerounaise et indonésienne n’attendent point. Il faut donc faire face  et agir rapidement dans le cadre du développement du patrimoine économique de l’Etat et du potentiel de prospérité ainsi offert aux entreprises congolaises.

MOHO-NORD ET LA SOUS-TRAITANCE, UN OUTIL DE DÉVELOPPEMENT ECONOMIQUE           DU CONGO

Quels sont les résultats attendus pour les PME-PMI Congolaises ?

  • MOHO-NORD, grâce à la sous-traitance, peut jouer un rôle fondamental dans la croissance économique de Pointe-Noire et la réduction de la pauvreté, notamment en termes de création d’emplois et de richesse.
  • Permettre à un nombre croissant d'entrepreneurs congolais à atteindre les normes internationales en termes de qualité, délais, sécurité, conditions de travail et le contrôle des coûts.
  • Renforcer les compétences congolaises afin de mieux répondre aux besoins (industriels, techniques, environnementaux) de TOTAL ou d’autres partenaires internationaux, et indirectement pour leur permettre d’élargir leur base de clientèle et / ou domaine d'activité.
  • Améliorer la conformité des PME – PMI Congolaises aux spécifications des entreprises pétrolières et gazières comme TOTAL pour atteindre les normes internationales en termes de qualité, délais, sécurité, conditions de travail et le contrôle des coûts et offrir ainsi des services à haute valeur ajoutée à d'autres clients.
       Pourquoi ?
  • Parce que la sous-traitance constitue aujourd’hui l’un des outils largement mobilisé par les pouvoirs publics au service du développement économique, de la compétitivité des entreprises, du fait de ses avantages en termes d’amélioration de la qualité, d’abaissement des coûts, de gain  technologique, d’amélioration de la productivité des facteurs de production, d’économie d’échelle et de créations d’emplois.
  • Parce que encore la plupart des expériences en la matière, de par le monde, révèle que la sous-traitance conduit à une efficacité accrue et d’énormes avantages aussi bien chez le donneur d’ordres qu’auprès des sous-traitants. Spécifiquement chez les PME-PMI, les bénéfices de la sous-traitance sont nombreux : transfert et meilleure maîtrise des technologies, utilisation plus importante des capacités de production, et plus grande spécialisation pour ne citer que ceux-ci.
Malgré toutes ces opportunités découlant de MOHO-NORD et de sa sous-traitance, la volonté et l’engagement politique sur la question reste encore à traduire fermement pour être enfin audible. Il ne vous a pas échappé que la pratique de la sous-traitance au Congo reste peu développée, malgré l’intérêt économique évident que ce projet structurant et transversal génère pour l’économie congolaise.

Comment améliorer l'existant

Les  pouvoirs publics, pour accompagner les PME dans l’exigence de compétitivité et de performance, ont élaboré des politiques et  mis en place quelques institutions et instruments d'accompagnement. Cependant, pour rendre l’existant performant, une attention particulière devra être portée sur :
·         Les Centres de Gestion agréés
·         Le Guichet Unique Nationale de l’Information Professionnelle
·         La Banque  Congolaise des PME (BC-PME)
·         La Bourse Congolaise de Sous-traitance et de Partenariat (BCSTP)
·         Le Programme d’Appui à la Création et au Développement de PME de transformation des produits locaux (PACD/PME) à initier par le Ministère des Petites, Moyennes Entreprises
Le développement des partenariats internationaux permet également de capitaliser l’accompagnement des organismes internationaux.

MOHO-NORD ET L’ETAT CONGOLAIS : L’ORGANISATION DE LA RÉPONSE FACE AUX BOULEVARDS D'OPPORTUNITÉS

  1. Les faits : le contrat de partage ?
Conformément au contrat de partage de production qui régit la fiscalité applicable au Congo, les investissements et les bénéfices de l'exploitation du Moho-Nord, après partage de la production avec l'Etat, sont répartis entre trois compagnies : Total E&P Congo, opérateur du projet détenant 53,5% des parts ; Chevron Congo Overseas (31,5%) et la SNPC (15%).
Total E&P Congo développe dix champs pétroliers, sur les vingt-un exploités au Congo. Elle est le premier investisseur et employeur privé du Congo, avec 974 salariés, dont 730 Congolais. La filiale représente à elle seule 60% de la production de brut congolais et développe des actions sociétales.
500 millions d’euros pour développer le champ pétrolier Moho-Nord au Congo - La compagnie d'ingénierie pétrolière Technip et la société pétrolière Total ont signé un contrat d’une valeur de 500 millions d’euros pour le développement du gisement off-shore de Moho-Nord, exploité par Total E&P Congo au large de Pointe-Noire, au sud du Congo. Selon le vice-président de Technip, également responsable du secteur, Frédéric Delormel, c’est le plus important contrat sous-marin de l’histoire de la société Technip. Les travaux de développement du gisement off-shore de Moho-Nord débutent cette année. Le contrat porte sur l'ingénierie, la fourniture d'équipements, l'approvisionnement, l'installation (EPSCI), la pré-mise en service du projet en développement de Moho-Nord, situé à 75 kilomètres des côtes du Congo-Brazzaville par des profondeurs d'eau comprises entre 650 et 1.100 mètres. Composé de deux puits avec des réserves estimées à 230 millions de barils, le projet passera en production à partir de 2015.

Le groupe d'ingénierie pétrolière sollicitera des sous-traitants congolais installés à Pointe-Noire, pour la fabrication de diverses structures métalliques. Les travaux devraient démarrer dès 2014.

  1. Moho-Nord et l’Etat Congolais : l’urgence d’une ingénierie juridique pour redynamiser son activité industrielle
Cette Ingénierie juridique doit intégrer la nécessaire :
Dimension prospective visant à :
·         Mener une réflexion interministérielle dans le cadre d’un Centre National de Prospective et d’Analyse Stratégique du Congo pour identifier puis définir le périmètre stratégique des intérêts de l’Etat.
·         Disposer d’une cartographie des attentes et besoins des entreprises congolaises.
·         En tant que force de propositions, présenter aux ministères dédiés un arsenal juridique (pas un texte de loi) qui permette à l'Etat de pouvoir disposer en toute connaissance de cause de son espace industriel.
·         Assurer la cohérence et la coordination des actions menées par les différents pôles et ministères.
·         Organiser la réponse de l’Etat par projet stratégique à définir.
·         Mettre en place une cartographie décisionnelle et informationnelle de chaque entreprise, organisation, institution

Le rôle de la commande publique dans la structuration et le développement du tissu industriel du Congo

L’Etat Congo est conscient que l’entreprise privée est au cœur de toute croissance économique, mais cela ne peut se faire sans la commande publique et celle-ci est insuffisante, parcellaire et quand elle a le bonheur d’exister, les conditions d’attribution des marchés publiques rencontrent encore des difficultés avec les notions comme transparence, neutralité et efficacité. La commande publique, est l’ensemble des « achats publics » passés par les collectivités et acteurs locaux pour faire face à leurs besoins de biens ou de services, quel que soit le mode de passation retenu. Le tissu industriel est faible et la contribution des entreprises privées au PIB reste faible. Nous avons recensé quelques projets structurants programmés dont certains ont heureusement connu un début d’exécution. MOHO-NORD est un projet structurant dont les exigences multiformes posent de lourdes difficultés aux entreprises locales pour des raisons récurrentes d’insuffisance de financement, de technologie de pointe, de compétences avérées, de flexibilité, d’opacité dans la gestion…qui ne constituent pas une garantie pour TOTAL et ses partenaires.

Pour faire de la sous-traitance un vecteur de solidité plurielle de la PME congolaise, plusieurs axes de réflexions doivent être envisagés.

1. La parité fixe du Fcfa avec l’Euro constitue un atout, certes, pour des économies fragiles comme celle du Congo. Mais c’est à travers un change flottant qu’une économie doit penser se développer car, le change fixe nourrit les rigidités, la non-compétitivité car la dépréciation n’existe pas en contexte de morosité économique.
2. Des compétences, le Congo n’en manque pas véritablement et à l’intérieur et à l’extérieur. Les congolais de l’étranger ne réclament que des conditions correctes de travail (rémunérations, stratégies d’attraction des compétences et d’épanouissement des projets d’affaires par exemple) 
3. Avec un peu plus de volonté politique, Il est possible de réunir les conditions de compétences de MOHO-NORD, si celles-ci sont remplies, on pourrait envisager une endogénéisation de la fabrication des outils de production nécessaire qui reviendrait à moindre coût  et rendrait plus compétitive les PME nationales congolaises même à l’international.
4. L’Etat doit continuer à encadrer la PME, par la défiscalisation des intrants technologiques destinés aux projets structurants.
5. Une politique nationale nouvelle sur l’accessibilité aux bourses étrangères  dans les universités des filières centrées sur les projets structurants.
6. Les PME qui sont encore des SARL devraient devenir des SA en relevant leur capital au moins à 10 millions de FCFA, et s’introduire en bourse afin de gagner la confiance des créanciers à travers une plus grande transparence.

Si ces conditions, entre autres, ne peuvent pas être remplies, la sous-traitance risque de ne pas atteindre la cible escomptée c’est-à-dire MOHO-NORD. Par voie de conséquence, la PME nationale verrait sa situation de marginalisation s’aggraver.
                                                                                                     
MOHO-NORD : ET SI LE CLUSTER POUVAIT PERMETTRE DE DONNER DE LA CONSISTANCE AUX PME
Face aux faiblesses structurelle, organisationnelle, financière des PME-PMI congolaises liées à l’exigence de la demande du client, avions-nous pensé au cluster comme l’une des solutions à ce problème ? Bien entendu, il faut réfléchir dans des délais compressés à la faisabilité de ce modèle d’organisation.

Le cluster : qu’est-ce que c’est ?

 Le cluster est un ensemble économique, ancré dans un département (Kouilou) qui regroupe des PME, des collectivités locales décentralisées (mairies, communautés), des institutions étatiques dans leurs démembrements régionaux (diverses délégations des ministères), les institutions financières installées dans la région, les entreprises donneuses d’ordres installées dans la ville de Pointe-Noire et les grands fournisseurs.
Cette organisation à créer pour et grâce à MOHO-NORD et qui doit avoir pour point focal la PME congolaise, bénéficiaire en premier lieu, grâce à la sous-traitance de l’activité économique qui se déploierait dans la région, engage les autres membres du cluster, en ce sens que les projets de mutualisation d’intérêts (travail, connivence d’intérêts) qui se développent doivent atteindre une masse critique suffisante pour intéresser TOTAL.
Les PME-PMI congolaises qui soumissionnent doivent apprendre à « chasser en grappe » en impliquant tous les membres du cluster, c’est-à-dire, la ou les PME qui participent à la réalisation du projet, le département du Kouilou qui voit l’activité prospérer dans son département, avec un accroissement des recettes fiscales, les assureurs qui voient leurs affaires prospérer, c’est aussi le cas de grands fournisseurs et enfin les grands donneurs d’ordre qui peuvent sous-traiter une partie de plus en plus importante de leurs activités, en toute confiance et sérénité, parce que les PME agissent ensemble, résolvant de ce fait le problème de taille et de complémentarité de compétences face à la demande technique et financière qu'implique MOHO-NORD pour les PME CONGOLAISES.
Patrice PASSY  
Conseil en Intelligence Economique compétitivité de l’entreprise  
Ancien conseiller de Premier Ministre